À l’épreuve du temps by Jacques Benoist-Méchin

À l’épreuve du temps by Jacques Benoist-Méchin

Auteur:Jacques Benoist-Méchin [Benoist-Méchin, Jacques]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Perrin
Publié: 2019-07-15T00:00:00+00:00


La conférence de Paris s’ouvrit le 21 mai, à 11 heures 30, dans les salons de l’ambassade d’Allemagne, rue de Lille. Etaient présents du côté français : l’amiral Darlan, vice-président du Conseil, ministre des Affaires étrangères, de l’Intérieur et de la Marine ; le général Huntziger, ministre de la Guerre ; M. de Brinon, délégué général du gouvernement dans les territoires occupés ; le commissaire général de La Monneraye ; le capitaine de frégate Fontaine ; le commissaire de la Marine Fatou ; le commandant Marty, chargé de dresser les procès-verbaux, et moi-même.

L’Allemagne était représentée par le général Walter Warlimont, du Wehrmachtführungsstab ; le lieutenant-colonel Westphal, de l’OKW ; le capitaine de frégate Junge ; le capitaine Boes et l’interprète Grabowski.

Vinrent s’ajouter à ces deux groupes, au cours des séances suivantes, du côté allemand : M. Otto Abetz, ambassadeur d’Allemagne à Paris, et M. Schleier, premier conseiller d’ambassade. Du côté français, l’amiral Platon, ministre des Colonies, le colonel Morlière, le commandant Chaix et le capitaine Roy. Il y eut en tout dix séances, dont la dernière eut lieu le 28 mai au matin.

Inutile de retracer ici les détails de la négociation2. Qu’il me suffise de dire qu’elles m’ont laissé le souvenir d’un corps à corps épuisant, d’autant plus âpre que les discussions approchaient de leur fin. Ce n’était pas un dialogue de sourds, mais une conversation d’aveugles. Personne ne semblait voir – surtout du côté allemand – que ce qui était en cause était l’avenir de la France, l’issue de la guerre, le sort de l’Europe. Je le voyais clairement. Mais les membres de la délégation allemande semblaient n’en avoir cure. L’avenir de la France ? Il les laissait indifférents. L’issue de la guerre ? Ils tenaient leur victoire pour acquise et pensaient que rien ne parviendrait à les en déposséder. Quant au sort de l’Europe, il serait exclusivement ce que voudrait le Führer ; c’était lui – et lui seul – qui en déciderait souverainement. Aussi ne prêtaient-ils qu’une attention distraite à nos arguments, uniquement préoccupés qu’ils étaient d’obtenir de nous tous les avantages matériels susceptibles d’accélérer le succès de leur stratégie, quitte à nous consentir de temps à autre des concessions dérisoires qu’ils nous lançaient comme un os à ronger. Jamais je n’ai vu des questions aussi vastes et aussi dramatiques abordées dans un esprit aussi étroit et aussi mesquin. Il me fallut souvent me cramponner à la table pour conserver mon sang-froid et ne pas faire un éclat. J’y fus aidé par trois choses : le calme imperturbable dont faisait preuve l’amiral ; le fait de conserver présents à mon esprit les objectifs que nous poursuivions à travers cette négociation et la conscience aiguë qu’il fallait éviter une rupture, en raison des conséquences néfastes qui ne manqueraient pas de s’ensuivre.



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